Le ministre malaisien des Ressources naturelles et de la Durabilité environnementale, Nik Nazmi, a publiquement reconnu un jour : « Sans la technologie chinoise en matière de terres rares, l’industrie malaisienne des terres rares ne peut tout simplement pas se développer. » Cette déclaration révèle les difficultés pratiques auxquelles est confrontée l’industrie malaisienne des terres rares.
Rien qu’en 2023, l’approvisionnement de la Malaisie en terres rares au reste du monde hors Chine représentait déjà une part significative, mais tout cela repose sur des technologies étrangères. Alors que l’ASEAN explore une coopération régionale dans les terres rares, la Malaisie peut‑elle vraiment devenir un nouveau pôle de croissance pour les terres rares en Asie ?
Richesse et limites des terres rares en Malaisie
Le potentiel en ressources de terres rares de la Malaisie ne doit pas être sous‑estimé. Selon les statistiques officielles, la Malaisie dispose d’environ 16,2 à 18,18 millions de tonnes de ressources en terres rares, avec une valeur économique potentielle atteignant 175 milliards de dollars, soit 12 % du PIB du pays. Cette vaste base de ressources place la Malaisie en position importante dans le classement mondial des réserves de terres rares. Les ressources malaisiennes en terres rares sont non seulement abondantes en réserves, mais aussi relativement complètes en variétés. D’après des médias étrangers, le sous‑sol malaisien contient l’ensemble des 17 éléments de terres rares, une diversité relativement rare à l’échelle mondiale. Les ressources sont principalement réparties dans le Pahang, le Perak, et les États du nord tels que Kedah, Kelantan et Terengganu. Malgré des ressources abondantes, le volume d’extraction des terres rares en Malaisie reste relativement limité. En 2023 et 2024, la Malaisie a extrait respectivement 310 et 130 tonnes de terres rares, un chiffre qui contraste fortement avec ses vastes réserves. Le gouvernement malaisien a pris conscience des limites économiques d’une simple exportation de minerai brut. En 2023, la Malaisie a annoncé une interdiction totale d’exporter du minerai brut de terres rares, visant à contraindre les investisseurs à établir des usines de traitement et de fabrication sur place, afin de retenir davantage de valeur ajoutée dans le pays.
Jeu géopolitique : l’opportunité de la Malaisie dans la concurrence sino‑américaine
La concurrence entre la Chine et les États‑Unis autour des minéraux critiques crée une opportunité historique pour la Malaisie. Les États‑Unis promeuvent vigoureusement la « désinisation » de la chaîne d’approvisionnement en terres rares, tandis que la Chine maintient sa domination dans l’industrie des terres rares. Dans ce contexte, la Malaisie est devenue un objet de compétition pour les deux parties. Ces dernières années, les États‑Unis ont réduit certains droits de douane sur les produits de terres rares malaisiens tout en courtisant activement la Malaisie pour qu’elle rejoigne sa chaîne d’approvisionnement en terres rares « désinifiée ». Cette pression externe présente des défis complexes pour le développement de l’industrie malaisienne des terres rares. La Malaisie a adopté une stratégie diplomatique équilibrée. Le Premier ministre malaisien Anwar Ibrahim a exprimé à plusieurs reprises son opposition à prendre parti, soulignant que « tenter de contenir l’ascension de la Chine ne fera qu’accroître son mécontentement ». Cette stratégie d’équilibre vise à maximiser les intérêts nationaux de la Malaisie. En matière de coopération spécifique, la Malaisie a adopté une stratégie d’engagement multilatéral. Outre la collaboration avec la société australienne Lynas pour établir la plus grande usine de traitement de terres rares légères hors de Chine à Pahang, la Malaisie a également lancé un projet pilote minier en partenariat avec des entreprises chinoises à Perak, tout en cherchant continuellement à approfondir la coopération avec la Chine sur toute la période de 2023 à 2025.
Construction de la chaîne industrielle: Le parcours ardu de la mine à l’aimant
La stratégie de chaîne industrielle complète de la Malaisie dans le secteur des terres rares fait face à de sévères défis. Dans le segment amont de l’extraction minière, la légalité coexiste avec l’exploitation illégale. Actuellement, le développement minier légal en Malaisie est limité, mais des activités minières illégales se produisent fréquemment dans d’autres régions, avec une information réglementaire opaque. Le segment médian de la transformation est profondément enlisé dans des controverses radiologiques. L’usine exploitée par la société australienne Lynas en Malaisie a déclenché des protestations sociales persistantes en raison des problèmes de gestion des déchets radioactifs, et le renouvellement de son permis d’exploitation en mars 2026 fait face à une pression sociale significative. Ce problème met en lumière les lacunes de la Malaisie en matière de régulation environnementale. Le segment aval de la fabrication est dominé par les capitaux étrangers. Des multinationales japonaises et suisses monopolisent la production d’aimants en terres rares, avec une participation technologique des entreprises locales malaisiennes inférieure à 20 %. Cela indique une implication clairement insuffisante de la Malaisie dans le segment de la chaîne industrielle à plus forte valeur ajoutée.
Goulots d’étranglement technologiques: Le plus grand obstacle au développement des terres rares en Malaisie
Les lacunes technologiques sont le problème central qui entrave le développement de l’ensemble de la chaîne industrielle malaisienne des terres rares. La Malaisie manque de technologies clés dans l'exploitation des terres rares, leur transformation et la fabrication d'aimants, avec des capacités de commercialisation inférieures à celles des concurrents internationaux. La Chine, seul pays au monde à maîtriser les technologies de production matures pour l'ensemble des 17 éléments de terres rares, détient un avantage leader absolu dans les procédés d'extraction et de séparation des terres rares, ainsi que dans les technologies de production de métaux et d'alliages de terres rares. La Chine possède 469 000 brevets liés aux terres rares et représente plus de 60 % de la production mondiale. La Malaisie a tenté de collaborer avec d'autres pays pour surmonter les goulets d'étranglement technologiques, mais les résultats obtenus jusqu'à présent ne sont pas idéaux, restant bien en deçà du niveau couramment utilisé dans l'industrie. Confrontée à des défis technologiques, la Malaisie recherche activement une coopération internationale. Le « Fonds pour l'innovation technologique dans les terres rares » créé par le gouvernement malaisien a attiré 23 multinationales, dont des géants industriels tels que l'allemand Siemens et le japonais TDK.
Atouts et Défis : Le double paysage de l'industrie malaisienne des terres rares
La Malaisie possède plusieurs atouts pour développer son industrie des terres rares.
Elle bénéficie d'une situation géographique privilégiée, située au cœur de l'Asie du Sud-Est, servant à la fois de route maritime clé du Pacifique et de passage commercial de l'océan Indien, tout en contrôlant le détroit de Malacca, d'une importance stratégique vitale, une voie maritime mondiale cruciale. Le système de soutien politique est relativement développé. La Malaisie a signé 15 accords de libre-échange, couvrant 74,5 % de l'économie mondiale. Notamment, le Partenariat régional économique global (RCEP) permet aux produits transformés malaisiens des terres rares de bénéficier d'un traitement tarifaire zéro dans des pays tels que le Japon, la Corée du Sud et l'Australie. L'environnement des affaires est relativement favorable. La Malaisie devance les pays d'Asie du Sud-Est pour des indicateurs tels que la transparence de l'approbation des droits miniers et la facilitation du commerce transfrontalier. Le processus d'enregistrement des entreprises de transformation des terres rares est entièrement numérisé, et les restrictions sur les ratios de participation étrangère ont été complètement levées.
Le développement de l'industrie malaisienne des terres rares fait face à de multiples défis
Les risques géopolitiques sont le défi le plus marquant. La pression exercée par les États-Unis sur la Malaisie ne peut être ignorée. Si la Malaisie choisit d'approfondir sa coopération avec la Chine, elle pourrait risquer d'être exclue des marchés des États-Unis et de leurs alliés. Les pressions liées à la conformité environnementale, sociale et de gouvernance (ESG) sont immenses. La controverse sur les radiations à l’usine de Lynas en Australie n’est que la partie émergée de l’iceberg ; la manière de parvenir à une exploitation minière verte est un enjeu auquel la Malaisie doit faire face. Les lacunes en matière de talents et de technologies sont évidentes. Bien que le gouvernement malaisien ait lancé le programme « MyTalent », offrant des visas de travail pouvant aller jusqu’à 10 ans aux experts étrangers dans le domaine des terres rares, les talents techniques de haut niveau restent rares.
Voie future : coopération ASEAN et transfert de technologie chinois
La coopération régionale de l’ASEAN sur les terres rares offre de nouvelles opportunités à la Malaisie. La Déclaration de vision pour le développement minier de l’ASEAN, publiée par le Comité des minéraux de l’ASEAN, expose l’ambition de faire de l’ASEAN une destination majeure pour les investissements miniers. La coopération au sein de l’ASEAN rend possible le partage des technologies et la promotion des meilleures pratiques. La Malaisie peut s’appuyer sur les plateformes de coopération régionale pour s’inspirer de l’expérience d’autres États membres, tout en contribuant par son expertise accumulée dans le traitement des terres rares. Pour la Chine, la stratégie malaisienne en matière de terres rares présente à la fois des opportunités et des défis. D’une part, la coopération avec la Malaisie aide la Chine à maintenir son influence sur le marché mondial des terres rares et à contrer la stratégie américaine de « petite cour, haute clôture ». Dans la version révisée du « Catalogue des technologies dont l’exportation est interdite ou restreinte » en décembre 2023, la Chine a explicitement inscrit les « technologies d’extraction, de traitement et d’utilisation des terres rares » dans la section des exportations interdites. Cela accroît la difficulté pour la Malaisie d’accéder aux technologies chinoises avancées sur les terres rares. De plus, les politiques de contrôle des exportations publiées par le ministère du Commerce en octobre 2025 ont imposé des restrictions supplémentaires sur les technologies, renforçant encore la difficulté pour la Malaisie d’obtenir des technologies chinoises dans ce domaine. Cependant, plus tôt, le gouvernement malaisien a également renoué le dialogue avec la Chine, et les deux parties restent confiantes quant à la coopération.



