La Malaisie se positionne rapidement comme le prochain centre de recyclage des batteries de véhicules électriques (VE) en Asie du Sud-Est, grâce à la convergence des politiques gouvernementales, des investissements privés et de la demande mondiale pour des matériaux de batterie durables. Des premiers projets pilotes en 2022 aux initiatives à grande échelle et nouveaux cadres réglementaires en 2025, l'industrie locale des masses noires — produit intermédiaire récupéré à partir de batteries lithium-ion usagées — passe rapidement du concept à la mise à l'échelle.
Fondations politiques et premiers projets pilotes :
La Malaisie a jeté les bases il y a près de deux décennies avec le Règlement sur la qualité de l'environnement de 2005, qui classait les batteries lithium-ion usagées comme « déchets programmés » (SW103). Ce cadre permettait uniquement aux installations agréées de collecter, transporter et traiter les batteries sous supervision stricte, visant initialement les batteries plomb-acide et grand public, puis s'étendant aux VE. Avec l'accélération de l'adoption des VE, les autorités ont actualisé la réglementation pour répondre aux exigences de recyclage bien plus complexes des systèmes lithium-ion.
Le premier projet pilote domestique a vu le jour en 2022 grâce à une collaboration entre Ni Hsin EV Tech et SIRIM Berhad, mais il a échoué avant sa généralisation. Une avancée majeure a suivi en mai 2024, lorsque la société privée EcoNiLi a inauguré une installation de 50 millions de ringgits à Perak. Capable de traiter des milliers de tonnes par an, l'usine vise à raffiner la masse noire en sels de nickel, de cobalt et de lithium. Ces premières étapes soulignent l'intention de la Malaisie, mais le défi consiste désormais à intensifier la capacité et à satisfaire aux normes de qualité internationales.
Renforcement des politiques et des capacités industrielles :
La Malaisie renforce son écosystème politique pour attirer les recycleurs. L'Agence malaisienne de développement des investissements (MIDA) et la Société malaisienne de technologies vertes et de changement climatique (MGTC) ont déployé des incitations fiscales vertes (GITA/GITE), tandis que le gouvernement s'apprête à introduire la responsabilité élargie des producteurs (REP) pour les batteries de VE, exigeant que les producteurs prennent en charge la collecte et le recyclage en fin de vie. Ces mesures réduisent les barrières à l'investissement et créent une demande pilotée par les politiques pour la capacité de recyclage.
Parallèlement, les recycleurs adoptent des technologies hydrométallurgiques pour produire des sels de qualité batterie, une étape cruciale pour la réintégration dans la chaîne d'approvisionnement des VE. Cependant, des défis persistent : la montée des batteries lithium fer phosphate (LFP) réduit la rentabilité de la récupération du nickel et du cobalt, et la domination chinoise dans le recyclage des masses noires crée une forte concurrence. Pour réussir, la Malaisie doit tirer parti de ses avantages logistiques régionaux, renforcer les normes ESG et établir des partenariats internationaux, bien que ses volumes d'exportation actuels restent limités.
Perspectives régionales et prospects de croissance :
SMM estime que la Malaisie peut exploiter sa base manufacturière et sa proximité avec les marchés de véhicules électriques d'Asie du Sud-Est pour se positionner comme un centre régional de recyclage. Les flux transfrontaliers de batteries usagées et de déchets en provenance d'Indonésie, de Thaïlande et du Vietnam pourraient renforcer ce rôle, à condition que ces mouvements soient conformes à la Convention de Bâle. La mise en place de passeports batterie et de systèmes de traçabilité, déjà discutée dans l'UE et en Chine, distinguerait la Malaisie en matière de conformité ESG et attirerait les constructeurs mondiaux recherchant des chaînes d'approvisionnement transparentes.
Avec au moins deux usines supplémentaires en projet, la capacité de recyclage de la Malaisie pourrait dépasser 20 000 tonnes par an, tandis que les batteries de véhicules électriques usagées devraient dépasser 50 000 tonnes dans cinq ans. SMM évalue que l'industrie entre dans une phase de croissance décisive : à court terme (2025–2027), l'expansion sera portée par un développement rapide des capacités et un alignement réglementaire ; à moyen terme (2027–2030), la compétitivité dépendra de l'adaptation aux évolutions de la chimie des batteries, des progrès technologiques et du maintien du leadership ESG. Si elle est menée efficacement, la Malaisie pourrait émerger comme une alternative stratégique à la Chine dans la chaîne d'approvisionnement régionale du recyclage des batteries.



