La proposition de l’Aluminum Association d’interdire l’exportation des déchets de UBC aux États-Unis
Introduction
La semaine dernière, l’Aluminum Association (américaine) a publié un livre blanc examinant les flux de déchets d’aluminium aux États-Unis, un secteur qui commence à gagner en importance à l’échelle mondiale pour son rôle dans les objectifs de développement durable bas carbone et circulaire, la compétitivité industrielle et les intérêts stratégiques liés à la sécurité nationale.
L’aluminium joue un rôle essentiel dans de nombreux secteurs, notamment l’automobile, l’électricité, la construction et la défense. Les déchets d’aluminium vont encore plus loin en offrant une alternative moins coûteuse et plus écologique à la production d’aluminium primaire : ils sont hautement recyclables et permettent de réduire la consommation d’énergie jusqu’à 95 % par rapport aux processus de fabrication d’aluminium à partir de zéro. Selon l’Aluminum Association, les déchets d’aluminium recyclés représentent désormais près de 85 % de l’aluminium produit aux États-Unis.
Cartographie des flux de déchets d’aluminium aux États-Unis
Selon l’Aluminum Association, les États-Unis ont généré 7,6 millions de tonnes métriques de déchets d’aluminium en 2024, dont 76 % (5,6 millions de tonnes) ont été consommés localement et 24 % (2 millions de tonnes) exportés. Plus précisément, les exportations américaines de déchets d’aluminium atteignent principalement le marché asiatique, avec l’Inde, la Thaïlande, la Malaisie, la Corée du Sud et la Chine (y compris Hong Kong) comme les cinq premiers importateurs de déchets d’aluminium américains (SH 7602) en 2024, représentant 77 % du total des exportations. Par ailleurs, environ 680 000 tonnes de déchets d’aluminium ont été importées en 2024, le Canada et le Mexique représentant jusqu’à 90 % des quantités importées.

Pouvons-nous les conserver ? Le cas des UBC et des déchets prêts à l’emploi aux États-Unis
L’Aluminum Association souligne que les UBC (canettes usagées) sont un type de déchet d’aluminium qui devrait prendre une importance croissante dans le domaine du recyclage de l’aluminium. En 2023, les États-Unis ont produit 1,4 million de tonnes de déchets de UBC sur leur territoire et en ont importé 183 000 tonnes la même année, principalement en provenance du Mexique et du Canada.
Comme le souligne le livre blanc, les UBC et les déchets prêts à l’emploi sont deux types de déchets d’aluminium clés, très précieux car ils sont propres, faciles à recycler et présentent un rendement de récupération élevé. Les UBC en particulier, grâce à leur composition d’alliage unique et leur qualité, peuvent être récupérées de boîte à boîte dans un court délai de 60 jours. Bien que les États-Unis produisent beaucoup d’UBC nationalement, moins de la moitié est réellement recyclée, laissant une partie de la demande en aval non satisfaite, ce qui nécessite l’importation d’UBC et d’autres déchets pour combler les lacunes.
De même, la ferraille prête à l’emploi est un autre type de déchet d’aluminium très précieux, mais en raison de problèmes de définition et de segmentation dans les données existantes, sa valeur et son potentiel ne peuvent être précisément prédits ou calculés de quelque manière que ce soit. Malgré cela, la ferraille prête à l’emploi, en tant que matière première prête à fondre, peut être facilement transformée en produits finis avec peu de coûts par rapport à l’aluminium brut ou à d’autres types de déchets d’aluminium, et elle apportera probablement plus de bénéfices que de inconvénients si elle est recyclée et traitée individuellement.
Implications stratégiques : pourquoi exporter alors que nous avons besoin de plus ?
Le rapport de l’Aluminium Association prévient d’une pénurie de déchets d’aluminium en tant que ressource, même en excluant les quantités exportées. En 2025, les États-Unis auront un déficit d’approvisionnement en aluminium de 4 millions de tonnes, comblé par l’importation de lingots et d’aluminium brut, et ces déchets d’aluminium peuvent efficacement aider à réduire la pénurie d’approvisionnement aux États-Unis. Cela devient plus crucial alors que les États-Unis se développent dans des secteurs à forte demande en aluminium, comme l’automobile, la défense et l’emballage. Comme les secteurs critiques et leur développement dépendent des importations étrangères d’aluminium pour leur stabilité, cela expose les États-Unis à des tensions géopolitiques et économiques, créant des vulnérabilités du côté de l’offre pour l’industrie de l’aluminium.
Outre les vulnérabilités d’approvisionnement, l’Aluminium Association soulève également des préoccupations en matière de sécurité nationale et d’économie : exporter des déchets d’aluminium, en particulier vers des économies asiatiques comme la Chine, compromet les objectifs industriels américains. Face au développement élevé du secteur chinois de l’aluminium, les exportations américaines vers l’Asie risquent de renforcer les industries étrangères, conduisant souvent à une concurrence déloyale qui exerce à son tour une pression supplémentaire sur la croissance locale. Les préoccupations découlent également de raisons de sécurité : l’aluminium servant de matériau essentiel pour la défense et la construction, exporter des déchets affaiblit les bases industrielles locales et crée une dépendance aux chaînes d’approvisionnement étrangères pour les industries clés.
Un Nouveau Casse‐Tête : Mesures Proposées et la Chaîne d’Approvisionnement Mondiale de la Ferraille d’Aluminium
Pour renforcer les industries locales et réduire la dépendance et la volatilité de la chaîne d’approvisionnement nationale en aluminium, l’Aluminum Association propose une pléthore de mesures visant à freiner la sortie des matières :
- Interdire l’exportation de ferraille de conteneurs de boissons usagés (UBC) en dehors de l’Amérique du Nord ainsi que la production nationale d’aluminium en provenance de l’étranger.
- Mettre à jour les codes du système harmonisé (SH) des États‐Unis et les codes de l’annexe Bpour mieux intégrer les différents types de ferraille et suivre les flux commerciaux entrants et sortants des États‐Unis.
- Améliorer les méthodes de collecte et de tri de la ferrailleafin d’accroître la disponibilité des matières premières pour combler l’écart actuel d’approvisionnement aux États‐Unis.
- Envisager d’étendre les contrôles à l’exportation à la ferraille prête à l’emploi, au zorba et à d’autres déchetsau fur et à mesure que s’améliorent le tri et les infrastructures ; cela peut se faire par des méthodes allant de l’interdiction à des approches par licence commerciale.
- Accroître la coopération public‐privépour maintenir les restrictions à l’exportation à jour et améliorer les processus existants de données et de reporting.
- Renforcer la surveillancepar des contrôles douaniers et des pénalités pour décourager les exportations illégales.
Si des mesures connexes sont adoptées, notamment une interdiction d’exporter les UBC puis des contrôles sur d’autres ferrailles d’aluminium, cela pourrait gravement perturber les flux mondiaux de ferraille d’aluminium disponible. Selon les données 2024 de l’ITC Trade Map, les États‐Unis sont le premier exportateur de ferraille d’aluminium avec 2 millions de tonnes, d’une valeur de 4 milliards de dollars américains. Les UBC étant une catégorie clé de la ferraille d’aluminium, une interdiction effective des exportations d’UBC réduirait considérablement les matières premières disponibles sur le marché, d’autant que les UBC sont considérées comme un matériau de haute qualité. Le marché asiatique serait probablement le plus touché, avec une baisse probable des importations totales de ferraille d’aluminium dans des pays et régions comme l’Inde, la Chine et l’Asie du Sud‐Est. En revanche, les États d’Amérique du Nord comme le Canada et le Mexique subiraient peu ou pas d’impact, car ils sont des partenaires commerciaux clés des États‐Unis, et l’Aluminum Association a également souligné l’importance de maintenir une libre circulation de la ferraille d’aluminium entre les États nord‐américains dans le cadre de l’accord commercial USMCA.
Conclusion
Le livre blanc de l’Aluminum Association attire à nouveau l’attention sur la nature de plus en plus stratégique de la ferraille d’aluminium aux États‐Unis. Outre sa dimension environnementale, le recyclage de l'aluminium est devenu un enjeu industriel et géopolitique, liant sécurité nationale, résilience des chaînes d'approvisionnement et croissance durable. Les données montrent que les États-Unis produisent et consomment d'énormes quantités de déchets d'aluminium, mais en exportent une part importante à l'étranger. Ce paradoxe révèle des inefficacités structurelles dans les systèmes locaux de recyclage et illustre les tensions entre libre-échange et autosuffisance nationale.



